Notre année 2020
Les actions phares de mru2025 depuis sa relance en 2020.
1. Actions de terrain.
La plage de Pomponette libérée de ses barricades. Mais…
Depuis août 2016, la plage de Pomponette a été « déproclamée ». C’est-à-dire qu’elle a perdu son statut de publique pour faire place à un projet d’hôtel très controversé.S’en sont suivies des années de bras de fer entre la société civile, à travers le collectif de citoyens engagés Aret Kokin Nu Laplaz (AKNL) et les autorités, ainsi que les promoteurs, pour que Pomponette retrouve son statut de “plage publique”. Ce combat est devenu un symbole pour dire « stop à l’accaparement de nos dernières plages » et à la destruction de notre patrimoine naturel.
Nous avons gagné une première étape dans la bataille en septembre 2020, pour récupérer la plage de Pomponette ; les barrages ayant été enfin enlevés. Mais la plage n’a toujours pas retrouvé son statut de plage publique. Nous avions envoyé un dossier au Ministre des Terres (S. Obeegadoo) où nous lui expliquions objectivement pourquoi un énième beach hotel n’est pas raisonnable et nous lui avions partagé notre vision pour Pomponette. Nous souhaitons que cette plage, qui est un atout pour la région devienne une plage publique modèle. C’est le lieu idéal pour proposer une réappropriation plus responsable d’une plage publique. Depuis, avec les moyens du bord nous installons des poubelles, des panneaux explicatifs, des tables (upcyling), nous organisons des beach stands pour sensibiliser les usagers sur les bons réflexes, nous réintroduisons petit-à-petit une végétation adaptée à l’environnement fragile du site. Sitwayen respekte to laplaz (Citoyen, respecte ta plage!) est une campagne qui fait partie de ce grand combat. Nous nous occupons régulièrement de l’entretien en organisant des nettoyages, car il n’y a pas de ramassage d’ordures à Pomponette, la Beach Authority ne s’occupant que des plages officiellement proclamées publiques.
2. Actions juridiques/institutionelles
Pomponette – “Judicial review” contre la décision du Ministre des Terres de « déproclamer » la plage de son statut de publique. Le mot est entre guillemets car il n’existe pas; parmi les pouvoirs d’un ministre des Terres, celui de “deproclamer” n’est pas mentionné. Le ministre a par contre le pouvoir explicite de proclamer “plages publiques” des pans de “Pas géométriques” qui sont rappelons-le des terres de l’Etat. D’ailleurs, la plage de Pomponette devint officiellement une plage publique en avril 1991. A ce jour, l’affaire est toujours en Cour Suprême car le Ministre maintient que le site est toujours réservé pour un projet d’hôtel. En novembre 2021 cela fera 5 ans qu’elle aura été logée. La bataille légale continue. Nous avons passé un premier cap d’admissibilité au bout de presque 3 ans d’échanges d’affidavits, pour qu’aujourd’hui les avocats du barreaux qui représentent le Ministre viennent demander aux juges de ne plus entretenir cette affaire, car elle tendrait vers un litige d’intérêt public et la notion d”interêt public” n’est pas reconnu dans notre droit. Encore une manière de nous nier le droit legal (locus standi) d’agir en tant que citoyen dans ce type d’affaire, où ils s’agit de remettre en question une decision prise par un Ministre. Des decisions d’allouer des baux sur des terres de l’Etat, ou de déproclamer des plages publiques d’une manière arbitraire où,les citoyens n’ont pas leur mot à dire.
Bel Ombre, la plage de Beau Champ – Ce cas est particulièrement important en ce qui concerne nos droits environnementaux. Il a fait l’objet de plusieurs correspondances aux ministères ainsi que d’un appel au Tribunal de l’Environnement. Il s’agit en fait d’un cas d’école démontrant comment les promoteurs utilisent les lacunes et faiblesses des dispositions légales actuelles pour obtenir des permis pour des projets d’hôtels ou fonciers qui s’avèrent écocidaires.
Il y a, à Beau Champ, par le même groupe, 2 projets: un hôtel sur les Pas géométriques et un projet Property Development Scheme (PDS) situé à l’arrière de l’hôtel. Sur ces sites se trouvent des wetlands et drains naturels. Y figurent notamment les Wetlands numéros 84 et 85 répertoriés dans le Environmentally Sensitive Areas Study de 2009 commandité par le Ministère de l’Environnement. S’y trouve surtout un lagon bien préservé, hébergeant des colonies de coraux dans un état exceptionnel, un des derniers sites de ce type autour de l’île. Nous prévoyons d’ailleurs de faire un deuxième relevé de ce lagon, à proximité du site. Avec l’aide de scientifiques nous avions déjà fait un état des lieux de la santé de cette partie du lagon, de la diversité des coraux, ainsi que la qualité de l’eau en 2018.
Malheureusement notre tentative de contester le permis d’Environmental Impact Assessment (EIA) du projet d’hôtel devant le Tribunal de l’Environnement a échoué, contre des arguments procéduriers, sans que nos arguments et études scientifiques ne soient examinés une seule seconde. Là encore, notre droit légal à agir en tant que citoyens pour protéger notre environnement est nié. Tout contestataire d’un projet doit démontrer qu’il ou elle subit, ou risque de subir, un dommage personnel. Il devient ainsi quasiment impossible de sauver un wetland, une dune de sable, des coraux d’une destruction imminente. Pourtant nous nous basons sur une disposition de l’Environment Protection Act (2002) qui precise dans son Préambule ce qu’est le principe de “Environmental Stewardship”: “It is declared that every person in Mauritius shall use his best endeavours to preserve and enhance the quality of life by caring responsibly for the natural environment of Mauritius.”
Mais nous maintiendrons notre position contre ce projet qui va mettre en péril un écosystème encore fonctionnel. Et nous nous battons pour la pleine reconnaissance des droits environnementaux des citoyens, droits qui existent de plus en plus dans d’autres pays. Nous avons fait objection à l’obtention du Building and Land Use permit du projet d’hôtel en décembre 2020 et nous sommes attendus au Conseil du District de Savanne le mercredi 23 mai 2021 pour faire part de nos objections. Nous avions aussi contesté devant le Conseil du District de Savanne le permis de construction de la partie projet PDS. Il faut souligner, tristement, que cette partie du projet a été exemptée de permis EIA, ; ce qui est inacceptable pour un tel projet situé à proximité de Environmentally Sensitive Areas (ESAs). À ce jour, l’écosystème de Beau Champ est toujours sous la menace de destruction. Lorsque nous contestons un projet, nous proposons aussi une alerternatives. Notre but dans ce type de cas est aussi de faire prendre conscience aux promoteurs qu’ils prônent une vision du développement qui n’est pas alignée avec les Objectifs de Développement Durable. (ODD) Des projets qui en plus denaturent des paysages, aliènent des habitants de ces lieux de vie, et détruisent des écosystèmes qui nous rendent des services précieux et vitaux.
3. Actions/Communication d’influence pour convaincre les décideurs ( Advocacy)
– Nous avons participé aux Assises de l’Environnement, tenues en Décembre 2019, et aux réunions de suivi thématiques en Janvier et Février 2020 pour le “Masterplan for the Environment in the Republic of Mauritius for the next decade” et avons soumis nos propositions.
– Nous avons aussi participé aux premières consultations, tenues en Octobre 2020, dans le cadre de la révision pour les prochaines 20 années du National Development Strategy (NDS – plan national pour l’aménagement du territoire), par le Ministère du Logement et de l’Aménagement du Territoire. Parmi nos propositions: la mise sur pied d’un organisme tel que le Conservatoire du Littoral et la création d’un géoparc côtier de La Cambuse à Gris-Gris.
– Nous avons participé en Décembre 2020 à l’atelier national organisé par les autorités concernant la révision du Environment Protection Act et avons envoyé nos propositions officielles en Janvier 2021. Nous avons mis à l’agenda entre autres propositions la question du Locus Standi des citoyens à agir, la difficulté d’accéder à la justice tant les délais pour loger un appel ont été raccourcis au fil des années. Nous avons 21 jours pour faire appel et loger tous les rapports techniques et scientifiques pour appuyer nos arguments…autant dire qu’il est pratiquement impossible d’aller de l’avant, car la production d’un rapport scientifique demande un temps de travail certain. Les représentants légaux sont par consequent aussi amenés à travailler à des cadences qui sont aussi insoutenables pour ce type d’affaire qui nécéssite énormément de travail.
– De même, en Octobre 2020, à l’occasion du Climate Change Bill, nous avons soumis nos suggestions et commentaires afin que celui-ci permette une réelle participation de la société civile. Nos idées ne furent pas retenues. Il n’y aura donc qu’un seul représentant des ONGs sur les 30 membres du comité national permanent sur le changement climatique. 28 des 29 autres membres sont des représentants de divers organes de l’État. Le 30e membre est le représentant du secteur privé.
4. Actions auprès d’instances internationales
Nous avons mené une campagne urgente auprès d’instances internationales pour dénoncer le fait que le Finance Bill de 2020 réduirait un peu plus nos droits environnementaux déjà précaires; notamment celui d’accéder au Tribunal de l’Environnement pour la contestation d’un permis EIA. Les autorités ne sont pas allées de l’avant avec cet amendement de la loi cadre du Tribunal de l’Environnement.
Cette campagne nous a attiré le soutien de plusieurs instances internationales pour contrer cette énième tentative de faire reculer la justice environnementale. (Nous avons reçu des courriers de soutien de la part de la Convention for Biological Diversity, de la RAMSAR Convention, de la Présidente de la Commission de l’Union Européenne, ainsi que du Président de la Délégation de l’Union Européenne à Maurice).
Nous avons logé une complainte officielle auprès du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD-UNDP) pour dénoncer le contexte dans lequel se déroule un projet en partenariat avec l’Etat mauricien qui a pour but de protéger les Environmentally Sensitive Areas (ESAs) dans la zone côtière. Ce projet a lieu alors que toute une série de projets d’hôtels et de villas de luxe pieds dans l’eau se voient accordés permis environnementaux et de construction, quand bien même qu’ils se trouvent dans, ou aux abords, de divers Environmentally Sensitive Areas (ESAs) dans Les Salines Rivière Noire, Melville, Beau Champ à Bel Ombre, Pointe d’Esny, la Tourelle de Tamarin, la Cambuse, entre autres. Le projet devait, notamment, revoir et améliorer la cartographie des ESAs se trouvant dans la zone côtière qui fut effectuée en 2009. Cette révision cartographique a eu lieu en même temps que les bulldozers étaient à l’œuvre, si ce n’est après. Nous avions aussi fait ressortir la contradiction suivante: notre Gouvernement demande des fonds à l’international à travers le PNUD pour protéger les écosystèmes de la zone côtière et ce même gouvernement autorise ensuite des constructions d’hôtels et villas de luxe qui fragiliseront, voire détruiront ces mêmes écosystèmes.
L’issue escomptée de nos actions, que nous poursuivons inlassablement, serait l’adoption rapide du Environmentally Sensitive Areas Bill, une loi d’ensemble pour assurer une réelle protection de nos écosystèmes. Que toutes les bonnes initiatives ne finissent pas dans un tiroir comme cela souvent été le cas.
(Vous trouverez certains de ces documents sous notre rubrique « Calendrier d’Actions » ou n’hésitez pas à nous les demander).